Depuis le mois de Septembre, sept enseignants et les quatre classes de 3ème du collège Henry Bordeaux à Cognin (Savoie) expérimentent un projet « Mon ESS à l’Ecole » et créent un journal coopératif. Les élèves découvrent les techniques de rédaction d’articles de presse en cours de français, produisent la maquette du journal avec l’enseignant d’arts plastiques, et découvrent la coopération par la mise en pratique et la rencontre d’acteurs de l’ESS. Rosène CHARPINE, professeure agrégée d’histoire-géographie participant au projet répond à nos questions.
Comment est venue l’idée de mener une expérimentation « Mon ESS à l’Ecole » ? Comment ont réagi les autres enseignants ?
L’expérimentation nous a été proposée par une ancienne élève de l’établissement étudiante en sciences politiques. Elle nous a intéressés pour de nombreuses et diverses raisons qui ont poussé l’ensemble de l’équipe à s’engager (nous sommes six enseignants de disciplines variées puisque sont concernés les lettres, les arts plastiques, les langues vivantes, l’EMC et la documentation) :
Dans le cadre de la réforme du collège et de la mise en place de l’accompagnement personnalisé en troisième, Dominique Dubois – principale de l’établissement – et le conseil pédagogique ont décidé de choisir comme fil conducteur la connaissance de l’environnement économique et social, entre autres dans une perspective d’aide à l’orientation des élèves.
Avec notre option DP3, nous avions déjà mené des projets de type mini-entreprises (l’organisation d’un marché de Noël destiné à financer le foyer socio-éducatif du collège et un « laboratoire » de recherche sur l’énergie solaire) les qui avaient très bien fonctionné et permis aux élèves de développer de nombreuses compétences psycho-sociales. Aussi, nous souhaitions poursuivre ce type de démarche en le généralisant à l’ensemble d’un niveau et en s’appuyant sur une structure partenaire.
« Cette expérimentation s’intègre parfaitement dans le parcours citoyen et dans le parcours AVENIR »
Cette expérimentation s’intègre parfaitement dans le parcours citoyen et dans le parcours AVENIR mis en place au collège Henry Bordeaux. En effet, le premier vise à développer, pour les troisièmes, une culture de l’engagement tandis que le second postule une découverte plus fine des métiers et des filières de formation. Le projet permet de proposer des temps forts motivants et des activités porteuses de sens : il s’agit d’encourager l’engagement des élèves dans la construction de leur projet d’orientation mais aussi dans la défense des valeurs républicaines tout un impulsant une dynamique de solidarité et de fraternité dans un établissement dont le public est d’une grande hétérogénéité. Notre ambition est de permettre aux élèves d’expérimenter au quotidien, dans et hors la classe, les valeurs et les principes de la République.
Que prévoyez-vous de faire avec l’ensemble de vos élèves cette année ? Quels seront les étapes et moments marquants ?
L’éducation aux médias et à l’information nous apparaît être particulièrement nécessaire et constitue un axe fort de notre parcours citoyen. Aussi, nous avons pour ambition de produire un média de l’établissement , du type journal ou magazine, dont certains articles seraient accessibles à partir du site internet du collège puisque le numérique est l’un de nos points d’accroche.
« Nous espérons rapidement pouvoir construire des partenariats avec des médias de natures diverses »
Les élèves vont devoir mener à bien des reportages, des interviews et des enquêtes tout en gérant leur petite entreprise. Ils rencontreront des acteurs de l’ESS, dont le président de la section MGEN de Savoie, mais aussi des médias et de l’information. Nous espérons rapidement pouvoir construire des partenariats avec des médias de natures diverses. Nous aimerions aussi mobiliser un parrain professionnel d’un médial alternatif inscrit dans l’ESS.
Comment se sont déroulés les premiers modules ? Qu’ont fait vos élèves ? Que retiennent-ils ? Que retenez-vous ?
Les premiers modules ont concerné deux groupes de 22 élèves chacun. Nous nous sommes très fortement inspirés du dossier pédagogique proposé par L’ESPER tout en adaptant certains outils comme « l’Atelier junior entreprise » et le fiche « Se connaître et connaître les autres ».
La première séance de deux heures leur a permis de découvrir l’ESS en s’appuyant sur la vidéo « Tu connais l’ESS ? » et sur un article du Monde « Dans une SCOP on n’est pas qu’un matricule ». Nous sommes partis de leurs représentations sur l’entreprise avant de les déconstruire pour leur montrer qu’il existait d’autres modalités et, surtout, qu’il était possible d’entreprendre en portant d’autres valeurs que la quête du profit. Autre valeur au premier rang desquelles figure la solidarité. Cela les a beaucoup surpris car, pour la majorité, ils assimilent l’entreprise aux grands groupes du CAC 40. Nous ne sommes pas certains de les avoir tous convaincus et faire en sorte qu’ils perçoivent finalement la charge positive de l’ESS constitue un des enjeux des prochaines étapes.
« Nous sommes partis de leurs représentations sur l’entreprise avant de les déconstruire »
Dans un second temps, les élèves ont mené à bien un diagnostic des besoins de la communauté éducative élargie. Ils ont d’abord identifié individuellement leurs désirs personnels puis, tous ensemble, nous avons circonscrits ce qui relevait de véritables besoins pouvant être communs à l’ensemble de la communauté. Les échanges ont été très riches car il ne leur a pas toujours été facile de se décentrer. Cependant, la question de l’information a rapidement fait l’unanimité. Certains auraient souhaité se consacrer au développement d’une application pour smartphone mais les discussions – une belle opportunité de travailler à la fois l’argumentation et la gestion de la prise de parole – ont conduit à la décision de se lancer dans la production d’un journal papier.
Au vu des difficultés rencontrées lors de la première séance (de nombreux élèves n’étaient pas particulièrement motivés et ont manifesté leur incompréhension devant ce « nouveau cours »), nous pensons inverser l’ordre des séances et, dans une démarche plus socioconstructiviste, commencer par la mise en place du projet collectif avant d’aborder la question de l’entreprise.
Rosène CHARPINE est Professeure agrégée d’Histoire-Géographie Chargée de mission Laïcité et valeurs de la République. Chargée de mission Éducation à la défense. Formatrice académique Enseignement moral et civique.