Education prioritaire : Besoin d’une réforme urgente et en profondeur

La France mène sans discontinuité, depuis 1981, une politique d’éducation prioritaire.

Selon le Ministère de l’Education Nationale, « La politique d’éducation prioritaire a pour objectif de corriger l’impact des inégalités sociales et économiques sur la réussite scolaire par un renforcement de l’action pédagogique et éducative dans les écoles et établissements des territoires qui rencontrent les plus grandes difficultés sociales. »
En outre, elle « vise à réduire les écarts de réussite entre les élèves scolarisés en éducation prioritaire et ceux qui ne le sont pas. »

La Cour des Comptes a dressé, en mai 2025 et à la demande de la commission des finances du Sénat, le bilan de cette politique.

Un bilan plus que mitigé

La « refondation de l’éducation prioritaire », intervenue à la rentrée 2015, a revu la carte de l’éducation prioritaire selon un indice social national, et a labellisé 1 093 réseaux : les réseaux d’éducation prioritaire (REP) et les réseaux d’éducation prioritaire renforcée (REP+).
Les objectifs de l’éducation prioritaires ont été précisés. Toutefois, la dynamique s’est essoufflée.

Déjà en 2018, la Cour constatait le manque d’instruments permettant un suivi des effets de cette politique, ainsi que le recul de la mixité sociale et scolaire. De même, la réduction du nombre d’élèves par classe en éducation prioritaire était trop limitée pour être efficace.

Une logique budgétaire qui met de côté les élèves

« Depuis dix ans, la logique budgétaire a pris le pas sur les objectifs pédagogiques. La politique d’éducation prioritaire a vu son coût pour l’État multiplié par 2,5 entre 2014 et 2023, passant de 1,1 milliard à 2,6 milliards d’euros. » – Source : Banque des Territoires

Pléthore de dispositifs qui peinent à répondre aux besoins des territoires

En l’absence de révision de la carte de l’éducation prioritaire, qui devait l’être tous les quatre ans, le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse a créé depuis 2018 des dispositifs additionnels, à l’instar des contrat locaux d’accompagnement (CLA) et des territoires éducatifs ruraux (TER). L’ensemble apparaît désormais complexe, peu lisible, et peine à répondre à la diversité des besoins.

Le choix a été fait de labelliser les écoles selon une logique de réseau, c’est-à-dire selon la labellisation du collège auquel elles sont rattachées. Cette modalité de labellisation a entraîné des situations d’écoles « orphelines » qui ne bénéficient pas du classement en REP, alors que la réalité sociologique de leur public le justifierait. À l’inverse, d’autres écoles dont les familles sont davantage favorisées sont rattachées à un réseau d’éducation prioritaire.

Des écarts de résultats qui persistent

L’effet du dédoublement, mis en place à partir de 2017 dans les classes de CP, CE1 puis grande section de maternelle, sur les résultats des élèves est mitigé. Si l’on observe à court terme des progrès en mathématiques et, en lecture et écriture, ceux-ci s’estompent d’ici l’entrée au collège.

Une réforme rapide et en profondeur

L’éducation prioritaire concerne aujourd’hui 21 % des élèves et s’appuie sur une carte qui n’a pas été revue depuis dix ans et qui ne reflète que partiellement les réalités socio-économiques actuelles. Elle doit aujourd’hui être repensée au profit d’une logique d’action plus globale et au service de la réussite des élèves. 

La Cour appelle donc à une réforme rapide, autour de deux orientations structurantes : elle propose de mettre en cohérence les moyens concourant à la mixité sociale et à l’égalité des chances, en intégrant mieux les politiques connexes (politique de la ville, médico-social, etc.). 
Autre piste : simplifier les mécanismes d’allocation des ressources, pour faire évoluer les pratiques pédagogiques au service des élèves.

Source : Rapport de la Cour des Comptes du 6 mai 2025, L’éducation prioritaire, une politique publique à repenser