« Ce jour-là, l’école de la République n’a pas su répondre » – Les rendez-vous de la laïcité de Solidarité Laïque

« Florent Kieffer, enseignant en ZEP durant 14 ans, vient de cosigner « Territoires vivants de la République »* (La Découverte). Dans ce nouveau Rendez-vous de la laïcité, il revient sur un souvenir qui l’a marqué : un des moments de sa carrière où il s’est senti démuni, et qui l’a conduit à « ne plus traiter la diversité en fermant les yeux sur elle ».


Tout le monde a son avis sur l’école, sur les banlieues. Aux repas de famille, dans les boulangeries. Quiconque pose la question « Ah bon ? Tu enseignes en ZEP… et ça va ? « , a une idée assez précise, je crois, des sujets qu’il souhaite vous voir développer : l’impossibilité d’exercer le métier, les violences subies ou constatées, l’absence de cadre, l’inculture, le refus de toute valeur et de toute règle, et plus récemment : les phénomènes ou les cas de radicalisation. La radicalisation, ça c’est un sujet. Signe des temps, le « jeune en voie de radicalisation » a peu à peu remplacé le « sauvageon » dans les discussions de comptoir. Et dans la petite liste des grandes faillites de l’école républicaine, quand il s’agit de traiter des questions de fond, le renoncement à la laïcité a désormais une place de choix à côté de l’inusable fin de l’autorité.

« C’est grave de dire ça, Monsieur ? »

Justement : voici une anecdote qui pourrait fort bien illustrer et l’un et l’autre. Elle date pourtant des années où le terrorisme de Daesh n’avait pas mis le mot radicalisation à la mode.Un jour, c’était au début de l’année, en troisième, l’idée me prend de commencer la séance en proposant aux élèves de répondre au questionnaire de Proust. Ma vertu préférée, l’oiseau que je préfère, ce que j’apprécie le plus chez mes amis… Les élèves en général raffolent de cet exercice, qu’ils trouvent facile et distrayant. Sitôt la feuille distribuée, ils se précipitent, suçotent leur crayon, et se réjouissent, quand ils ont fini, de découvrir les réponses de leurs camarades. Pour moi, c’est une entrée en matière idéale pour commencer l’année et aborder le genre autobiographique tout en faisant connaissance. Quand tout le monde a terminé, chaque élève lit ses réponses à tour de rôle : mon héros dans la vie réelle, la faute qui m’inspire le plus d’indulgence, ma devise… jusqu’à la question finale : comment j’aimerais mourir.Ce jour-là, à la question comment j’aimerais mourir, Yousra, 14 ans, déclare : « En martyre ». Comme c’est la dernière question de la feuille, elle donne sa réponse presque sans la lire, en levant les yeux et en fixant les miens.Il y a une demi-seconde suspendue, et, comme je l’ai précisé au moment des consignes, je ne fais aucun commentaire. » […]

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