Séminaire de rentrée 2024 de L’ESPER

L’ESPER a fait sa rentrée, le mardi 24 septembre 2024, à Paris et en visio. A cette occasion, nous avons questionné l’utilité sociale de notre projet associatif, en nous focalisant sur les résultats de l’étude d’impact 2023-2024 de « Mon ESS à l’École » et les enjeux de l’éducation à l’économie sociale et solidaire.

L’ESPER, un projet associatif et utile socialement ?

Bertrand Souquet a rappelé l’intérêt de « Mon Entreprise Sociale et Solidaire à l’École », qui incarne les valeurs de la République, participe à l’émancipation des futur·es citoyen·nes et les aide à exercer leurs propres choix. En effet, le projet de L’ESPER est un projet d’éducation à l’économie sociale et solidaire qui favorise le dialogue et la coopération, afin de former des esprits éclairés.

« Tou·tes ensemble, agissons ! Pour que la société soit meilleure et plus juste, et faisons vivre la démocratie à l’École, alors qu’on a tant de mal à l’exercer dans notre société. » – Bertrand Souquet

Lucile Marsault, coordinatrice des programmes à L’ESPER, a poursuivi en expliquant la méthodologie de l’étude d’impact, menée depuis 2019 pour comprendre les effets induits pour les élèves et équipes éducatives d’une participation à « Mon ESS à l’École ». Pour rappel, à travers « Mon ESS à l’École », les élèves mènent un projet collectif d’utilité sociale en s’organisant de manière démocratique et coopérative.

Cette année l’étude d’impact a concerné une cohorte de 87 élèves et de 18 enseignant·es, dans 9 établissements scolaires.

Pour exemple, en 2023-2024, 68% des élèves ayant porté un projet « Mon ESS à l’École » ont découvert de nouvelles organisations de l’ESS du territoire (ce chiffre était de 30% il y a 2 ans).

Vous pouvez retrouver les principaux points présentés dans le flyer de l’étude 2023-2024.

Cette année, et pour la première fois, nous avons réalisé un focus particulier sur le genre en comparant analysant les différences de réponses entre filles et garçons. Si la participation à « Mon ESS à l’École » confirme des assignations selon le genre et une reproduction genrée des rôles sociaux, elle permet également de remettre en cause certaines normes. On constate que l’ESS (où 68% des salarié·es sont des femmes) attire davantage les filles que les garçons : elles sont 60% à avoir envie de faire une stage, travailler ou entreprendre dans l’ESS, contre 30% des garçons. Cependant, ce sont les garçons qui approfondissent majoritairement leur engagement (dans les différents espaces de l’établissement scolaire notamment) : à l’issue du projet, 73% des garçons (contre 66% des filles) ont une fonction représentative dans leur établissement, ce qui fait également écho à des réalités que l’on observe dans l’ESS (Commission sur l’égalité femmes-hommes dans l’ESS du CSESS) et plus largement, dans notre société, sur le cumul des mandats par les hommes notamment.

Concernant les compétences, on constate un plus forte amélioration des compétences en prise de parole en public et prise de décisions chez les filles que les garçons. Cette hausse supérieure de l’estime de la compétence des filles est d’autant plus importante qu’à niveau de maitrise égal, les filles soient moins confiantes que les garçons (DEPP, 2023). De plus, la part des filles qui estiment que tout le monde a pu s’exprimer et participer à la décision est plus forte chez les filles (85%) que chez les garçons (77%).

« Globalement, « Mon ESS à l’École » suscite l’intérêt de s’engager dans l’ESS, favorise l’implication dans les instances démocratiques des établissements scolaires, et améliore les relations entre les enseignant·es et les élèves, ainsi qu’entre les élèves. » – Lucile Marsault

Mise en perspective de l’étude par Sandrine Rospabé

Sandrine Rospabé est maîtresse de conférences en économie à l’Université de Rennes. Ses travaux actuels traitent de l’Économie Sociale et Solidaire, notamment dans l’exercice de la démocratie dans les structures de l’ESS et de la place de l’éducation populaire.

L’éducation à l’ESS étant au cœur des recherches de Sandrine Rospabé, elle a d’abord placé un regard d’économiste sur l’étude, en rappelant, comme l’avait souligné Lucile Marsault précédemment, qu’il s’agit d’un sujet insuffisamment présent dans les programmes scolaires.

Comment évalue-t-on ?

Pour Sandrine Rospabé, « l’éducation à » ce sont des savoirs, des savoir-faire, des savoir-être. De plus, cela implique d’analyser des changements en déterminant une relation de cause à effet (compétences acquises etc.).

Toutefois, cette évaluation peut isoler les « effets externes » (ce que l’élève a pu vivre en dehors du projet par exemple) et émane souvent d’injonctions de partenaires financiers, auprès desquels il faut faire preuve de son utilité sociale.

Néanmoins, dans le but d’améliorer les pratiques, une étude d’impact peut être intéressante.

L’éducation à l’ESS

L’éducation à l’ESS fait partie d’une grande famille de « l’éducation à » : il existe des écrits dans le secteur associatif, mais peu dans le milieu académique. Au Québec, on parle d’éducation pour le développement de sociétés responsables.

Les « éducations à » ont 4 traits communs :

  • Elles sont thématiques et adisciplinaires (éducation aux médias, à l’environnement, à la santé, aux médias …) : en s’intéressant à ces enjeux sociétaux, l’approche est pluridisciplinaire ;
  • Elles sont en relation étroite avec des questions socialement vives (complexes et porteuses d’incertitudes) ;
  • Elles accordent une place importante aux valeurs (en tant que véritable enjeu pédagogique) ;
  • Elles portent un objectif de transformation sociale par l’évolution des comportements et attitudes (en favorisant des pratiques qui impliquent les élèves et changent la posture des enseignants, telle que la pédagogie active et coopérative). Ce point nécessite de remettre en cause des fonctionnements scolaires usuels.

Éducation populaire et éducation à l’ESS ?

D’où est née cette proximité entre l’éducation populaire et l’éducation à l’ESS ?

Avant, notamment dans les structures mutualistes, le projet économique égalait le projet éducatif. Par exemple, des conférences, cours du soirs ou actions culturelles étaient organisés… des bibliothèques étaient créées pour les ouvriers.

Puis, il y a eu une dissociation de ces 2 notions avec l’instauration de 2 lois :

  • La loi Waldeck Rousseau (a cantonné la défense des droits des travailleurs à des actions syndicales),
  • La loi mutualiste et la loi associative.

Les questions d’éducation deviennent l’apanage de l’éducation populaire et de structures spécialisées sur ces sujets (loisirs, culture, vacances, etc.). A la fin du 20ème siècle, les acteurs de l’ESS ont reconnu l’enjeu qu’il y a à sensibiliser les jeunes à l’ESS.

Pour Yvan Comeau (1998), « l’Éducation à l’ESS » est : « Une éducation du public et un ensemble de pratiques éducatives adaptées à une cible précise pour s’engager. C’est un processus pédagogique au long terme, pour une économie plus humaine basée sur d’autres valeurs que la recherche du profit. »

L’ESS et les jeunes ?

Sandrine Rospabé explique que la notoriété de l’ESS auprès des jeunes commence en 2010 avec les premiers sondages nationaux. Ces sondages rapportent que les jeunes relient l’ESS à une vie professionnelle (« un emploi idéal »), utile à la société.

Une enquête de l’Observatoire national de l’ESS rapporte que les jeunes sont sensibles aux valeurs que portent l’ESS et les mettent en pratique mais sans pour autant connaître ce mouvement. La construction de leurs parcours se fait avec indifférence vis-à-vis de l’ESS.

Sandrine Rospabé conclut : « Les enjeux de l’Éducation à l’ESS sont multiples notamment en matière de justice sociale. La question du renouvellement des salarié·es et des bénévoles encourage cette vitalité démocratique. Il faut prendre en compte la dimension holistique des individus et renforcer la dimension politique forte de l’ESS, contestataire du modèle économique dominant. »

Réactions des participant·es :

L’ESPER continue sa mission, au travers de ses actions d’éducation à et par l’ESS, pour émanciper les élèves.